Ce roman de SF récemment paru m’est arrivé dans les mains un peu par hasard (merci Pédro). En tant que tome central d’une trilogie, il reste à peu près compréhensible indépendamment.

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Sur tous les mondes où il passe, un astronef-université, le Melkine, sauve une poignée d’élèves des pièges du conditionnement culturel. Cette dernière technique impose aux habitants de chaque planète des us et coutumes artificiels, bien qu’inspirés en général de civilisations terrestres passées. Bref, le Melkine tente d’ouvrir les esprits et de faire sauter les œillères imposées par ce conditionnement, tout cela très (trop ?) progressivement. Parallèlement, le transport et la communications instantanés apparaissent. En quelques années, les anciens élèves du Melkine dispersés constatent le début de l’effritement du conditionnement, certes souhaité, mais avec des conséquences indésirables. Il est clair qu’Olivier Paquet s’amuse dans la description de plusieurs civilisations basées sur l’Autriche impériale ou l’empire aztèque qui découvrent d’autres influences (un lien avec notre mondialisation culturelle ?).

À l’échelle de l’univers, les détenteurs des moyens de communications massifs, les Fréquences, s’affrontent pour l’hégémonie et la main-mise sur tout l’univers connu. La mort du Melkine s’achève sur le très attendu face-à-face entre les deux dernières Fréquences : la Technoprophète, grande méchante de service, à l’idéologie brutale et hélas peu décrite dans ce tome, et Ismaël, ancien élève du Melkine, surdoué et banni dans le premier tome.

Si j’en crois les critiques sur le web, le premier tome péchait par des personnages adolescents un peu sommaires. Quinze ans après, dans la Mort du Melkine, l’excès serait presque inverse, les rapports torturés entre les anciens, sinon leurs histoires de cœur, dominant presque trop les événements scientifico-politiques. Certes je n’ai pas lu le premier livre, et le troisième pourrait me donner une autre perspective.

Le personnage le plus intéressant reste bien sûr Ismaël, devenu superpuissance galactique, dont les scrupules tombent avec la montée en puissance. Son empire est parti d’une civilisation imitant l’ancienne secte des Assassins, mais ceux-ci semblent bien pacifiques voire douillets (« mon Dieu, j’ai abattu un astronef qui fonçait sur nous, n’a pas respecté les avertissements et était tellement mal entretenu qu’il a explosé au premier coup de semonce ! »). Est-ce une conséquence du manichéisme trop marqué entre les deux Fréquences ultimes ? (oui, en face la Technoprophète va jusqu’à torturer ses robots et buter les ingénieurs inefficaces.)

Quant au Melkine, symbole universel, c’est en fait le grand absent de l’essentiel de l’histoire, bien que présent dans tous les esprits.

Point faibles : l’action languit, surtout dans la première moitié, il faut un peu s’accrocher ; la méchante Technoprophète est sous-utilisée (quitte à avoir une psychopathe, autant l’utiliser) ; les angoisses existentielles de personnages en fait secondaires prennent trop le pas sur le reste. Je me demande s’il n’a pas simplement manqué deux cent pages à l’auteur pour développer toutes les facettes de son univers (l’inverse du problème de Robin Hobb). Et puis il y a ces petits trucs qui m’énervent et cassent ma suspension d’incrédulité : autant de prénoms français dans un monde futuriste, est-ce réaliste ? Les chefs des Fréquences semblent omnipotents, et pas du tout soumis à l’avalanche de tentatives de pression et d’arbitrages typique de tout chef d’État, absolu ou démocratique. Des opérations de conquête de planète semblent se planifier en quelques pages avec une poignée d’astronefs (il y a peu de repères temporels). De manière générale, il semble y avoir très peu de monde dans l’univers sinon les personnages et une masse de péquenots statiques. Certaines innovations technologiques semblent déjà dépassées pour nous (Google Earth Giverne sur écran tactile géant, ouaouh !).

Malgré tout il y plein de bonnes idées dans ce tome, et pour lire parfois la prose de l’auteur sur SFFranco je n’en attendais pas moins.